AccueilVie quotidienneLes Fourberies de Scapin : quand le génie de Molière dynamite l’autorité

Les Fourberies de Scapin : quand le génie de Molière dynamite l’autorité

Qui ne connaît pas la célèbre réplique : « Mais que diable allait-il faire dans cette galère ? ». Derrière cette phrase culte, se cache l’une des comédies les plus rythmées et jubilatoires de Molière, Les Fourberies de Scapin. Créée en 1671, cette pièce, initialement boudée par la critique, est devenue un pilier du répertoire français. Et pour cause : sous ses airs de farce endiablée, elle déploie une critique sociale d’une modernité saisissante, célébrant l’intelligence populaire face à la bêtise des puissants. Plongez avec nous dans les coulisses d’un chef-d’œuvre intemporel.

Scapin, un valet devenu maître du jeu

L’intrigue est simple mais d’une efficacité redoutable. À Naples, deux jeunes gens, Octave et Léandre, ont épousé en secret deux jeunes filles au statut incertain, Hyacinthe et Zerbinette, pendant l’absence de leurs pères, Argante et Géronte. À leur retour, les patriarches, avares et autoritaires, ont bien d’autres projets de mariage pour leurs fils. Paniqués, les amoureux s’en remettent au valet de Léandre, l’ingénieux Scapin.

C’est là que la magie opère. Scapin n’est pas un simple serviteur. C’est un metteur en scène, un manipulateur de génie, un véritable moteur de l’action. Il va échafauder des stratagèmes (des « fourberies ») plus audacieux les uns que les autres pour extorquer aux vieillards l’argent nécessaire pour sauver les amours des jeunes gens. Scapin est l’incarnation de l’intelligence pratique et de la débrouillardise. Il pense vite, s’adapte à chaque imprévu et prend un malin plaisir à ridiculiser ceux qui pensent le dominer par leur statut social.

La farce comme arme de critique sociale

Si Les Fourberies de Scapin fait tant rire, c’est grâce à son rythme effréné, ses quiproquos et ses gags visuels, dont la fameuse scène du sac où Géronte se fait rouer de coups de bâton. Mais derrière le rire, Molière peint un portrait au vitriol de son époque.

L’autorité paternelle bafouée

Les pères, Argante et Géronte, sont dépeints comme des tyrans domestiques, plus soucieux de leur fortune et de leurs apparences que du bonheur de leurs enfants. Leur autorité, censée être absolue, est constamment tournée en dérision par l’intelligence de Scapin.

L’avarice ridiculisée

L’argent est le nerf de la guerre. Géronte, incapable de payer la rançon de son fils (la fameuse galère), incarne une avarice si caricaturale qu’elle en devient un ressort comique majeur. Molière dénonce ici une bourgeoisie obsédée par le profit.

Le mariage d’amour contre le mariage arrangé

En aidant les jeunes couples, Scapin se fait le champion de l’amour sincère contre les unions d’intérêt, un thème cher à Molière qui l’a exploré dans de nombreuses autres pièces.

PersonnageReprésentation de l’autoritéFaiblesse exploitée par Scapin
ArganteLe père autoritaire et colériqueSa crédulité et sa peur du scandale
GéronteLe vieillard avare et obstinéSon amour démesuré pour l’argent

L’héritage flamboyant de la Commedia dell’arte

Pour écrire Les Fourberies de Scapin, Molière puise abondamment dans la tradition de la Commedia dell’arte, ce théâtre italien populaire et improvisé qui triomphait alors en Europe. Il en reprend les ingrédients qui ont fait son succès :

  • Les personnages-types : Scapin est une version française du zanni, le valet rusé et acrobate. Géronte et Argante rappellent le personnage de Pantalon, le vieillard avare et crédule. Les jeunes amoureux (innamorati) sont également des figures classiques.
  • Le rythme et les lazzi : La pièce est menée tambour battant. Les lazzi – des gags codifiés, souvent visuels et gestuels – ponctuent l’action, comme la scène du sac ou les fausses menaces du spadassin joué par Sylvestre.
  • La primauté du jeu d’acteur : La pièce laisse une grande place à la performance physique et à l’ingéniosité des comédiens, invitant à une forme de créativité qui dépasse le simple texte.

En adaptant ces codes, Molière ne se contente pas de copier. Il les sublime, leur donne une profondeur psychologique et une portée critique qui transcendent la simple farce.

Une pièce plus actuelle que jamais

Plus de 350 ans après sa création, le succès des Fourberies de Scapin ne se dément pas. Les mises en scène se multiplient, preuve de son incroyable vitalité. Pourquoi cette pièce nous parle-t-elle encore autant aujourd’hui ? Sans doute parce que les figures de l’autorité aveugle, de la cupidité et les conflits de générations sont éternels.

Scapin, par sa ruse et son insolence, nous rappelle que l’intelligence et l’esprit critique peuvent être des armes redoutables contre l’injustice et l’arbitraire. Il est une figure de l’empowerment avant l’heure, un héros populaire qui, par le rire, parvient à faire triompher la jeunesse et la liberté. Un message d’une pertinence folle, qui continue de résonner avec force sur les planches de nos théâtres.

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

Les derniers articles