Les ronflements touchent environ 40 % des adultes en France, avec des répercussions sur la fatigue diurne, la concentration et la santé cardiovasculaire. On incrimine volontiers le surpoids, l’alcool ou une cloison nasale déviée, mais un facteur moins connu se cache souvent derrière ces vibrations nocturnes : l’alignement des dents et la position de la mâchoire. La relation entre occlusion dentaire et troubles respiratoires du sommeil est aujourd’hui bien documentée ; comprendre ce lien ouvre de nouvelles pistes de traitement, parfois plus simples qu’une chirurgie du palais ou qu’un appareil CPAP.
Pourquoi les dents peuvent-elles faire ronfler ?
La première cause est mécanique. Chez certains patients, un décalage mandibulaire (rétrognathie) pousse la mâchoire inférieure vers l’arrière. La langue, attachée à cette mâchoire, suit le mouvement et réduit l’espace dans l’oropharynx. Lorsque l’air circule pendant la nuit, ce passage rétréci se met à vibrer, provoquant le ronflement. Les malocclusions de type classe II (dents du haut avancées) ou les palais trop étroits jouent un rôle similaire : ils diminuent le diamètre des voies aériennes supérieures. Des études de l’American Academy of Dental Sleep Medicine estiment qu’environ un tiers des ronfleurs chroniques présentent une anomalie dentaire ou maxillo-faciale identifiable.
Autre élément : la perte de dents postérieures. Un édentement partiel modifie la hauteur de l’occlusion et entraîne une bascule de la mandibule. La langue manque alors d’espace et se projette vers l’arrière au repos, favorisant l’obstruction. Enfin, le bruxisme (grincement nocturne) s’accompagne parfois d’une hypertrophie des muscles masséters ; cette tension supplémentaire accentue la compression des tissus mous autour de la gorge.
Premiers signaux d’alerte
Ronflement sonore (entendu de l’extérieur de la chambre), réveils en sursaut, fatigue matinale, bouche sèche : ces symptômes justifient une consultation pluridisciplinaire. Le dentiste ou l’orthodontiste évalue l’occlusion, la dimension verticale et la liberté de mouvement de la langue, tandis qu’un ORL exclut les causes nasales. Si l’indice d’apnée-hypopnée (IAH) dépasse cinq événements par heure lors d’une polysomnographie, on parle déjà d’apnée légère ; il est alors crucial d’agir pour éviter l’évolution vers une forme sévère.
Les dispositifs dentaires : une alternative douce aux machines PPC
Lorsqu’un patient refuse ou ne tolère pas la ventilation par pression positive continue, les praticiens se tournent vers des orthèses d’avancée mandibulaire, plus connues sous le nom de gouttières anti ronflements. Fabriquées sur-mesure à partir d’empreintes ou de scans 3D, ces gouttières maintiennent la mâchoire inférieure légèrement vers l’avant pendant le sommeil. Ce mouvement crée un espace supplémentaire dans le pharynx, stabilise la base de la langue et réduit les vibrations.
Plusieurs études cliniques montrent une baisse de 50 % du volume sonore du ronflement et une diminution significative de l’indice d’apnée chez 60 à 70 % des utilisateurs. L’avantage majeur est le confort : l’appareil est discret, ne nécessite pas d’alimentation électrique et permet de dormir en toute liberté de position. Seule contrainte : un suivi régulier pour vérifier l’absence de douleurs articulaires (ATM) ou d’effet secondaire sur la dentition.
Processus de mise en place
- Bilan initial : radiographie panoramique, étude de l’occlusion, questionnaire d’Epworth sur la somnolence.
- Empreinte numérique : scannage intra-oral pour concevoir une gouttière adaptée au micron près.
- Essayage et ajustements : l’avancée est progressive ; on commence souvent à 3 mm pour habituer l’articulation.
- Contrôle à trois et six mois : vérification du confort, de la réduction des ronflements et, si nécessaire, nouveaux réglages.
Orthodontie adulte : corriger la cause plutôt que le symptôme
Chez les patients jeunes ou motivés par un traitement long terme, un réalignement complet peut éliminer la source même du rétrécissement pharyngé. Les bagues invisibles (aligneurs) permettent d’élargir le palais ou d’avancer la mandibule sans chirurgie. Une étude de 2024 publiée dans Sleep & Breathing indique que 40 % des adultes présentant une apnée légère due à une rétrognathie ont vu leur IAH revenir à un niveau normal après un an d’orthodontie fonctionnelle.
Les avantages ne sont pas qu’esthétiques : outre la fin des ronflements, on observe une meilleure occlusion, une réduction du bruxisme et, souvent, moins de douleurs cervicales grâce à l’équilibrage de la posture mandibulaire.
Hygiène bucco-dentaire et pratiques nocturnes
La bouche sèche aggrave les ronflements. Un brossage trop agressif, un bain de bouche alcoolisé ou certaines pathologies (diabète, prise de médicaments) réduisent la salivation. Adopter un dentifrice reminéralisant, limiter la caféine en soirée et s’hydrater correctement influent sur la lubrification des tissus mous, réduisant le bruit vibratoire.
De même, dormir sur le côté plutôt que sur le dos diminue l’effondrement de la langue. Des oreillers ergonomiques ou des t-shirts anti-décubitus dorsal peuvent aider à maintenir cette position. Coupler ces habitudes à une gouttière ou à un traitement orthodontique crée un effet synergique.
Quand faut-il envisager la chirurgie ?
Les interventions maxillo-faciales (avancée bi-maxillaire) restent l’ultime recours, réservé aux rétrognathies sévères ou aux échecs des solutions précédentes. La chirurgie repositionne durablement les mâchoires, élargissant l’espace comprimé. Les taux de succès dépassent 90 %, mais la convalescence est longue ; elle suppose une collaboration étroite entre ORL, orthodontiste et chirurgien.
Conclusion
Les ronflements ne relèvent pas seulement d’un problème de surpoids ou de congestion nasale ; la configuration dentaire joue un rôle majeur dans la perméabilité des voies aériennes. Un déséquilibre occlusal, une mandibule reculée ou un palais étroit peuvent suffire à déclencher ces vibrations nocturnes. Heureusement, des dispositifs discrets comme les gouttières anti ronflements, des traitements orthodontiques ciblés et une bonne hygiène bucco-dentaire offrent aujourd’hui des solutions efficaces et relativement simples à mettre en œuvre. En cas de doute, un dentiste formé au sommeil ou un ORL pourra guider le patient vers la démarche la plus adaptée, garantissant non seulement des nuits silencieuses mais aussi une meilleure santé globale.